Comment lutter contre l’illectronisme en CHRS ?

Le numĂ©rique et la tĂ©lĂ©phonie dopent nos quotidiens mais ne profitent pas Ă  tous. Depuis quelques annĂ©es, outre la lecture, l’écriture ou le calcul, une autre compĂ©tence clĂ© est apparue selon les termes de l’Union EuropĂ©enne. Cette nouvelle compĂ©tence est la maĂ®trise des technologies de l’information et de la communication. Elle a eu un impact direct sur une partie non nĂ©gligeable de la population souffrant de ce que l’on appelle « l’illectronisme ».

Le terme “illectronisme” fait son entrée officielle dans le dictionnaire Larousse, en 2020 suite à la pandémie du Covid 19. Ce terme désigne « l’état d’une personne qui ne maîtrise pas les compétences nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources numériques ».

Près de onze millions de personnes sont mal-logĂ©es en Europe, le nombre de sans-abris ayant explosĂ© ces dernières annĂ©es. En France, plus de 566 personnes sont mortes dans la rue en 2018. La dernière enquĂŞte de l’INSEE, datant de 2012, compte 143 000 personnes sans domicile. Ce nombre a bondi de 50 % en 11 ans et continue de croĂ®tre. En 2017, 44 691 places en CHRS sont rĂ©parties dans 784 centres… mais ne permettent pas de rĂ©pondre Ă  toutes les demandes. Le projet de loi de finances pour 2019 « CohĂ©sion des territoires – HĂ©bergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnĂ©rables » prĂ©voit une baisse des crĂ©dits de 2,1% par rapport Ă  2018 pour les CHRS. Cette baisse aggrave la situation et dĂ©grade la rĂ©ponse aux sans-abris.

Les personnes accueillies en CHRS cumulent très souvent ces différents paramètres et font donc parties des plus vulnérables par rapport à l’exclusion numérique.

On observe également que les travailleurs sociaux de terrain, tout comme les directions, subissent la dématérialisation et sont peu outillés pour anticiper sereinement la probable transformation de leur métier induite par le développement du numérique. Cette situation représente un risque de perte d’autonomie qui renforce l’exclusion des publics les plus fragiles.

Dans certains CHRS, plusieurs professionnels ne maîtrisent pas du tout ou pas suffisamment l’utilisation de l’outil informatique, ce qui induit une certaine crainte voire pour certains un manque d’intérêt et une résistance au changement des pratiques professionnelles.

Force est de constater que la double-révolution administrative et technologique creuse les écarts entre les individus à l’aise avec les technologies de l’information et de la communication et ceux qui en sont éloignés. L’exclusion numérique traduit les disparités d’accès au digital selon les territoires et les populations.

Aujourd’hui, quels sont les profils concernés ?

Parmi ceux ne se connectant jamais à internet, huit personnes sur dix (81%) ont 60 ans ou plus. Il s’agit essentiellement de personnes à la retraite (72%). Les femmes sont surreprésentées (60%, + 8 points par rapport à l’ensemble de la population), tout comme les personnes seules (61%), et les non diplômés (59%). Les non internautes ont un niveau de vie plus faible (34% appartiennent à la catégorie des bas revenus et 34% aux classes moyennes inférieures). De plus, les Hauts-de-France présentent un contexte propice à l’illectronisme. En effet, ruralité, pauvreté, chômage et illettrisme, la région semble particulièrement concernée par l’illectronisme puisque les poches de ruralité et de la pauvreté se superposent très souvent à celles d’exclusion numérique, bien qu’il n’existe pas de chiffres en région permettant de quantifier le phénomène d’illectronisme

Dans une étude réalisée par Yves-Marie Davenel, Docteur en anthropologie, moins de 10% des intervenants sociaux interrogés déclarent avoir reçu une formation au numérique dans le cadre professionnel ou au cours de leur formation initiale. Seulement 30% des intervenants sociaux sont en capacité de diriger un usager ayant des lacunes numériques vers un acteur proposant une formation adaptée. 83% des intervenants sociaux jugent le numérique indispensable dans leur pratique professionnelle, et 58% le jugent indispensable dans le parcours d’un usager.

Comment donc accompagner le personnel et les personnes accueillies en CHRS vers une plus grande autonomie dans leurs différentes démarches administratives face au développement numérique ?

  • Former le personnel encadrant (moniteurs, accompagnateurs, conseillers) Ă  accompagner les rĂ©sidents dans l’utilisation des outils numĂ©rique
  • Organiser pour les rĂ©sidents du CHRS des sessions de formation sur l’utilisation des services en ligne de l’état (impĂ´ts, caf, sĂ©curitĂ© sociale, Pole emploi, etc…)
  • Equiper les Ă©tablissements de rĂ©seau WIFI dĂ©diĂ© aux personnes accueillies dans le CHRS
  • Mettre Ă  disposition des personnes accueillies des ordinateurs en libre-service
  • Permettre l’acquisition d’un Pass numĂ©rique Ă  toutes personnes accueillies en CHRS notamment celle qui en ont fortement besoin. Le pass numĂ©rique vous permet de payer totalement des services d’accompagnement et/ou de formation au numĂ©rique. Il se prĂ©sente sous forme d’un chĂ©quier de 10 pass, chacun d’une valeur de 10€, soit une valeur totale de 100€.

Somme toute, si les professionnels de l’Action sociale sont aujourd’hui bien souvent les premiers acteurs face aux difficultĂ©s des usagers engendrĂ©s par la dĂ©matĂ©rialisation des services publics, l’accompagnement des publics fragiles Ă  ce processus semble ĂŞtre le parent pauvre de la rĂ©flexion sur la place et le rĂ´le des technologies de l’information et de la communication au sein du travail social. Bien que l’informatique et le numĂ©rique soient entrĂ©s dans les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux depuis une dizaine d’annĂ©es, cette problĂ©matique particulière fait peu sujet. Les revues spĂ©cialisĂ©es traitent bien du numĂ©rique et de l’Internet des objets, en particulier au sujet de l’accompagnement des personnes dĂ©pendantes (personnes âgĂ©es, handicap), mais peu des potentialitĂ©s du numĂ©rique ou des risques d’exclusion sociale et de non recours aux droits liĂ©s Ă  un non Ă©quipement ou Ă  une non maĂ®trise des outils.

L’illectronisme, l’illettrisme numĂ©rique ou encore l’analphabĂ©tisme numĂ©rique, selon le terme employĂ© est « un vĂ©ritable handicap social » pour les personnes accueillies en CHRS.
Mettre en Ĺ“uvre les conditions de l’inclusion numĂ©rique ne tient pas seulement Ă  la dĂ©fense du principe d’égalitĂ©. Lutter pour un accès Ă©clairĂ© de tous aux TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) est aujourd’hui un passage obligĂ© pour Ă©viter une dualisation de la sociĂ©tĂ©.

Lutter contre l’illectronisme n’est pas une fin en soi mais un outil de réinsertion et de promotion sociale, de socialisation générale c’est-à-dire de relation aux autres, d’accès aux services publics et à la culture. Il est important que la numérisation soit un levier d’émancipation et non pas un nouveau facteur d’isolement
Nous sommes dans l’ère du digital. C’est un fait qu’il faut accepter, intégrer et maintenant accompagner pour, qu’à terme, numérique et inclusion sociale soient intimement liés.

N’hĂ©sitez pas Ă  partager cet article afin que tous les CHRS  et d’autres Ă©tablissements sociaux puissent avoir des idĂ©es pour combattre l’illectronisme.

Helpus, Ensemble nous irons plus loin !